Au cinéma, papa

Paroles et musique : Henri Tachan

Allons au cinéma, papa,
Y r’voir tes guerres,
Verdun, Okinawa, papa,
Les bérets verts,
Sur des fauteuils qui vibrent
Et qui nous massent
Le cerveau et le chibre
À la culasse !
Car voilà qu’aujourd’hui, plus que jamais virils,
Les hommes s’envoient en l’air à d’autres vaudevilles.
Leur faut du sang qui coule, bien chaud, et des batailles.
Bref, il leur faut l’Histoire pour s’faire jouir la tripaille !

Allons au cinéma, papa,
Voir comm’e ça bouge.
Ah ! la bell’e bleue lilas, papa,
Ah ! la bell’e rouge.
Dans ce feu d’artifice
En « Tuecolor »,
Tu es bon pour l’service.
On te r’décore !
King-Kong est au chômage et la Tour infernale
A laissé place chaude aux gars d’Guadalcanal.
Des films catastrophes, faut dire qu’les plus bandants,
C’est quand même nos vraies guerres, trip’es pour trip’es, dents pour dents !

Allons au cinéma, papa,
Y r’fair’e le zouave.
À quand Hiroshima, papa ?
Tu parl’es, j’en bave !
Un p’tit plat d’champignons
Bien atomiques
Sur écran super-son,
Panoramique !
Y a pas à dire, chez nous, quand même, ça fait une paye
Qu’on s’est pas arraché les burnes ou les oreilles.
Y a pas à dire, chez nous, on a un sacré r’tard :
Regard’e la guerre d’Espagne : ça, c’était des fêtards !

Pour compenser notr’e manque, dans les salles obscures,
Jetez-nous du napalm tout chaud à la figure,
Balancez vos grenades jusque au dernier rang,
Là où c’qu’y a les métèques barbus, les non-violents.

Allez au cinéma, papa,
Beaux-frères et oncles,
Y réchauffer là-bas, papas,
Vos vieux furoncles.
Allez vous entraîner, frangins,
Pour la prochaine,
Où nous, on s’ra lapins...
Ou indigènes !